Page:Lemerre - Anthologie des poètes français du XIXème siècle, t2, 1887.djvu/375

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
353
SULLY PRUDHOMME.


De notre deuil tissant leur gloire,
Elles ne nous témoignent rien,
Car les fleurs n’ont pas de mémoire,
Nouvelles dans un monde ancien.

Ô fleurs, de vos tuniques neuves
Refermez tristement les plis :
Ne vous sentez-vous pas les veuves
Des jeunes cœurs ensevelis ?

À nos malheurs indifférentes,
Vous vous étalez sans remords :
Fleurs de France, un peu nos parentes,
Vous devriez pleurer nos morts.

(Impressions de la Guerre)



CE QUI DURE



Le présent se fait vide et triste,
Ô mon amie, autour de nous ;
Combien peu du passé subsiste !
Et ceux qui restent changent tous.

Nous ne voyons plus sans envie
Les yeux de vingt ans resplendir,
Et combien sont déjà sans vie
Des yeux qui nous ont vus grandir !

Que de jeunesse emporte l’heure,
Qui n’en rapporte jamais rien !
Pourtant quelque chose demeure :
Je t’aime avec mon cœur ancien,