Le front méchant et l’air moqueur,
Le bras replié sous la tête,
En main sa flèche toujours prête,
Il reposait, — le dur vainqueur !
« Cet enfant, tourmenteur du monde,
Tu le tiens donc en ton pouvoir,
Fortune que le ciel seconde !
Fais-le tomber au gouffre noir !
« L’instant est favorable : acquitte
Les affronts que ton nom subit,
Rachète ton passé, maudite,
Délivre-nous de ce maudit !
« Venge les cieux, venge la terre,
Du monstre charmant, abhorré ;
Et que ton nom déshonoré
Soit béni pour ce crime austère ! »
Sur la margelle où l’enfant dort,
Voici que s’assoit la Fortune :
Elle l’éveille, et sans rancune
L’arrache au péril de la mort !
Il ouvre un œil et se détire,
Ramasse flèches et carquois,
Puis fuit dans les airs sans rien dire,
En souriant d’un air narquois ;
La folle poursuit le volage,
Soupire, et se met à rêver,
Et recommence le voyage
Qui ne peut jamais s’achever.
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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.