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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.


Abandonnant soudain la journée incomplète,
Près du lit funéraire, en beaux habits de fête,
S’assemblent à la hâte autour du trépassé ;
Puis, quand ils ont pleuré, gémi, qu’ils ont assez
Mené le deuil selon les anciennes pratiques,
Le cadavre est conduit vers les tombes antiques…

Chut ! voici le cortège ; il descend au vallon,
Et trace dans la plaine un sinueux sillon ;
Il approche… À genoux ! Le voilà qui défile,
Toute la vie est là.

Toute la vie est là. Cher trésor si fragile,
C’est l’enfant nouveau-né qu’on porte dans les bras,
Si jeune et cependant réclamé du trépas,
Puis l’enfant de cinq ans que ce spectacle étrange
Emerveille à la fois et rend triste, cher ange !
L’adolescent après marche d’un pas plus sûr,
Du ciel dans son regard reflétant tout l’azur ;
Le jouvenceau le suit, gourmandant sa paresse ;
Puis voici le jeune homme au front plein d’allégresse,
L’homme fait, l’homme mûr et la virilité
Offrant un bras plus sûr à la sénilité ;
Enfin, derrière eux tous et fermant le cortège,
Le mort dans son linceul, le mort que l’ombre assiège,
Et qui va près des siens, ancêtres glorieux,
Reposer loin du bruit au tombeau des aïeux.

Hélas ! telle est la vie… un décroissement sombre,
Le passage fatal de la lumière à l’ombre.