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AUGUSTE VACQUERIE.

Paris est plus Paris pour toi que pour une autre ;
La maison qu’aujourd’hui tu quittes pour la nôtre
                    Est celle dont s’éprit

L’art souverain, par qui tout s’éternise ; celle
Où ce grand conducteur de l’âme universelle
                    Allume son flambeau ;
C’est la maison élue où, criant d’allégresse,
Il rapporte, pareil aux demi-dieux de Grèce,
                    La toison d’or du beau !

Cette maison, et tout avec elle, bals, fêtes,
Bruit, serrement des mains illustres des poètes,
                    Théâtres éclatants,
L’orgueil d’entendre dire en passant : « C’est sa fille ! »
Et, partout où tu vas, de voir ton nom qui brille
                    Aux yeux des assistants,

Paris pour te garder t’offrait toutes ces choses,
Et, dans le flamboiement de ces apothéoses,
                    Dans l’éternel plein jour,
Entre ce fier Paris, parrain de ton baptême,
Qui t’acclame et t’admire, et Villequier qui t’aime,
                    Tu préfères l’amour !

Va, ne regrette rien, — que ton père et ta mère.
Va, la splendeur du nom est la grande chimère,
                    Mais la réalité
C’est l’amour ! Et d’ailleurs, jeune astre qui te voiles,
Les plus divins rayons du ciel, ceux des étoiles,
                    Sont faits d’obscurité.