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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.

Dans ce ciel qu’on dirait à jamais apaisé.
Comme un puissant essieu dans ses gonds alésé
Silencieusement tourne l’axe du monde,
Et la grande douceur de cette paix profonde
Marque l’enfantement d’un grand labeur muet :
Car la nature est sage et bonne, et se soumet
Sans révolte à la loi qui régit les espaces,
Fait mûrir les moissons, naître et croître les races,
Et, dans l’ordre savant de leurs mille couleurs,
S’épanouir en paix les calices des fleurs.


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Ma chère, nous irons, aux derniers soirs d’automne,
Voir fleurir dans les bois la tardive anémone,
Les chrysanthèmes d’or émailler les jardins,
Et les grappes, déjà trop mûres des raisins
Et par les premiers froids légèrement ridées,
Pendre aux rameaux brunis des treilles dénudées ;
Nous irons, nous suivrons les détours du chemin
Où la première fois ma main pressa ta main ;
Nous verrons au penchant des collines prochaines
L’or des grands peupliers et la rouille des chênes,
Et tout nous parlera d’automne et de départ.
Au ciel, ainsi qu’un rouge et sanglant étendard,
Un nuage empourpré planera sur nos têtes ;
Et le calme attristé des campagnes muettes
Et, dans les bois déserts, le silence des nids,
Nous diront que les jours d’été sont bien finis,
Que loin, bien loin de nous est la saison des roses,
Et que demain l’hiver et ses brumes moroses
Auront enveloppé de leur morne linceul