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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.


Au milieu d’un ruisseau, dont l’eau vive frissonne,
En se berçant, les yeux baissés, elle aime à voir
Les arbres refléter, comme dans un miroir,
Leur feuillage troublé par le vent monotone.

Au murmure de l’eau son rêve s’est uni ;
Mais son cœur a toujours l’amour de l’infini ;
Les larges horizons appellent son audace.

Ses yeux quittent le sol en un dernier adieu ;
Elle semble, d’un bond s’élançant vers l’espace,
Avec sa robe rose entrer dans le ciel bleu.


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PLEURS DE FEMME




Le vent ouvrait son aile entre deux branches prise ;
La voile, près du bord, glissait comme un oiseau :
« Viens voguer sur la mer, lui dis-je, avec la brise. »
Elle me répondit qu’elle avait peur de l’eau.

Dans le ciel clair de mars le jour venait d’éclore ;
L’air était déjà tiède à l’horizon étroit.
« Viens courir dans les champs, lui dis-je, avec l’aurore. »
Elle me répondit qu’elle avait peur du froid.

Sous le dôme des bois la campagne était sombre ;
Les clairières dormaient; l’eau s’éloignait sans bruit.
« Viens t’asseoir dans les prés, lui dis-je, avec la nuit. »
Elle me répondit qu’elle avait peur de l’ombre.