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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.


L’épreuve est salutaire alors qu’elle rend fort
Et d’un souffle puissant jusqu’au ciel nous enlève,
Mais tout ressentiment transperce comme un glaive,
Et ces angoisses-là sont angoisses de mort.

Arrière donc, vipère à la langue empestée,
Amertume égoïste et vile, pour jamais
Retourne au gouffre noir qui t’avait enfantée !

Moi, je veux vivre, aimer, et sentir désormais
Tout ce que peut souffrir une âme généreuse,
Qui demande au devoir le secret d’être heureuse.



III



Dans les champs reverdis passe un air pur et doux,
Une blanche vapeur estompe la vallée ;
Toute ligne s’efface aux horizons plus mous,
La nature aujourd’hui de tendresse est voilée.

Adieu, sombre chagrin, tristesse aux pleurs jaloux,
De votre étreinte encor je suis tout ébranlée.
Âpres poisons du cœur, bien loin enfuyez-vous,
Laissez venir la paix à mon âme troublée.

Je n’ai que trop senti vos aiguillons maudits,
Et je veux maintenant que tout ce que je dis
Soit trempé de douceur et de mélancolie,

Comme aujourd’hui l’on voit la lumière affaiblie
Glisser avec langueur jusqu’aux prés odorants
Et changer l’ombre humide en rayons transparents.


(Rayons perdus)


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