Page:Lemerre - Anthologie des poètes français du XIXème siècle, t3, 1888.djvu/180

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
164
ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.


Le ciel et l’océan s’unissent
Au bord de l’horizon enfui ;
Les lourdes vagues s’aplanissent
Avec un long soupir d’ennui.

Dans cette immensité sans terme
Où se perd, tombe et meurt le vent,
Le sillage qui se referme
Marque seul la marche en avant.

Ô tristesse indéfinissable,
Accablement toujours nouveau !
Ne pas voir même un grain de sable,
Ne pas même entendre un écho!

Ici, rien que la mer sans grèves,
Là, rien que l’ombre des agrès ;
Rien à l’avenir que des rêves,
Rien au passé que des regrets !

La semaine suit la semaine,
Le flot que le flot submergea
Au gouffre dans sa chute emmène
Chaque heure qui sonne, et déjà

L’aube a d’éclatantes nuances,
Le soir des couchants orangés,
Flamboîments et phosphorescences
À nos ciels d’Europe étrangers.

Des formes d’astres inconnues,
Vaisseaux par Dieu même conduits,
Îles, perles ou fleurs des nues,
Brodent le bleu manteau des nuits.

>