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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.


XXI


« Adieu donc, chère femme, adieu jusqu’au revoir !…
« L’amour n’est que la vie, il n’est pas le devoir !…
« N’importe où je mourrai, c’est ici que j’expire !… »
Je ne pus retenir mes sanglots étouffants.
Son père m’avait pris les mains : « Pauvres enfants !
Disait-il, vous payez les gloires de l’Empire ! »


XXII


Qu’il fut long le moment qui nous tint embrassés !
Il me semble si court à présent ! « C’est assez, »
Dis-je. — Mais tout à coup je vois pâlir ma femme !
Au geste qu’elle fait, nous devenons tout blancs.
— « Que ferai-je du fils que je porte en mes flancs ? »
Cria-t-elle. — Ah! messieurs! la guerre est bien infâme !


XXIII


Il en est parmi vous qui sont pères. Mais moi
Je ne l’avais jamais été ! — Si votre roi
Savait ce que l’on souffre, il prendrait le cilice !
J’étais père !… j’étais père !… Chacun m’entend !
Et je devais mourir sans le voir, lui, pourtant !…
Je tombai net : j’avais épuisé le calice !