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ÉMILE BERGERAT.


Ils le soulèvent doucement,
Et, comme un glaive dans sa gaine,
Le glissent dans ce vêtement
Tissu des fibres d’un vieux chêne,

D’un vieux chêne fort comme lui,
Comme lui frappé dans sa force
Et dépouillé de son écorce
Ainsi que lui de son ennui !

Et quand, dans une étreinte brève,
Cette tête a heurté ce bois,
Crâne sans vie et bois sans sève
Ont sonné le vide à la fois.

Sous ce crâne de leurs mains froides
Ils ont mis un oreiller blanc ;
De chaque côté, sur le flanc,
Ils ont ramené ses bras roides.

Ô Mort, contemple ton soldat
Sur les rangs et dans la tenue,
Attendant la grande Revue
Et le clairon de Josaphat !

Sur la poitrine qu’il consacre
Un chapelet aux grains rivés
Épand de sa grappe de nacre
Le vin mystique des avés.

Et, dernier présent d’une année
Qui meurt, elle! pour refleurir,
Une rose blanche et fanée
Cherche son cœur pour y mourir !…