Page:Lemerre - Anthologie des poètes français du XIXème siècle, t3, 1888.djvu/222

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
202
ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.

D’une carcasse ou d’un linceul ;
Qui fait trembler comme un aïeul,
Et qui vous rend, quand on est seul,
          Blanc comme un marbre.

D’où vient que parfois, tout à coup,
L’angoisse te serre le cou ?
Quel problème insoluble et fou
          Te bouleverse,
Toi que la science a jauni,
Vieil athée âpre et racorni ?
— « C’est le frisson de l’Infini
          Qui me traverse ! »

Le strident quintessencié,
Edgar Poe, net comme l’acier,
Dégage un frisson de sorcier
          Qui vous envoûte !
Delacroix donne à ce qu’il peint
Un frisson d’if et de sapin,
Et la musique de Chopin
          Frissonne toute.

Les anémiques, les fiévreux,
Et les poitrinaires cireux,
Automates cadavéreux
          À la voix trouble,
Tous attendent avec effroi
Le retour de ce frisson froid
Et monotone qui décroît
          Et qui redouble.