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FRANÇOIS COPPÉE.

Sombres, l’horreur vivante au cœur et l’arme aux pieds,
Devant ce meurtre infâme et devant ce martyre :

« Amen ! » dit un tambour en éclatant de rire.


(Poèmes modernes)
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PETITS BOURGEOIS



Je n’ai jamais compris l’ambition. Je pense
Que l’homme simple trouve en lui sa récompense,
Et le modeste sort dont je suis envieux,
Si je travaille bien et si je deviens vieux,
Sans que mon cœur de luxe ou de gloire s’affame,
C’est celui d’un vieil homme avec sa vieille femme,
Aujourd’hui bons rentiers, hier petits marchands,
Retirés tout au bout du faubourg, près des champs.
Oui, cette vie intime est digne du poète.
Voyez : Le toit pointu porte une girouette,
Les roses sentent bon dans leurs carrés de buis,
Et l’ornement de fer fait bien sur le vieux puits.
Près du seuil, dont les trois degrés forment terrasse,
Un paisible chien noir, qui n’est guère de race,
Au soleil de midi, dort, couché sur le flanc.
Le maître, en vieux chapeau de paille, en habit blanc,
Avec un sécateur qui lui sort de la poche,
Marche dans le sentier principal et s’approche
Quelquefois d’un certain rosier de sa façon
Pour le débarrasser d’un gros colimaçon.
Sous le bosquet, sa femme est à l’ombre et tricote ;
Auprès d’elle le chat joue avec la pelote.
La treille est faite avec des cercles de tonneaux,