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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.

Il fait, à son zénith, flamber le ciel ardent.
Il cherche dans le sol le germe fécondant
Du brin d’herbe qui pousse aux liserets des routes,
Et, comme des brouillards on voit frémir les gouttes,
Sa brume pourpre vibre au-dessus des guérets.
Il luit sur la tanière et le nid des forêts,
Rit à l’inconsolable, au pauvre, au grabataire,
Et sur l’âpre chemin où va le solitaire
Jette le reflet pur et rose de l’été.
Il fond les grandes eaux couvrant l’immensité
Et sèche au bord des cils une larme qui coule,
Et sur tout ce qui naît et sur tout ce qui croule
Imprime le sceau d’or de sa gloire des cieux.
Et cela depuis que ce globe, sombre et vieux,
Est sorti vagissant de ses lourdes ténèbres ;
Depuis que l’homme est homme et que les ans funèbres
D’Abel et de Caïn ont fait le sol sanglant,
Il n’a pas, dans l’espace, avare ou moins brûlant,
Mis la digue aux torrents épars de ses lumières.
Tous les peuples éteints l’ont eu dans leurs paupières.
Il peut, sur les débris séculaires des temps,
Jusqu’au chaos dernier éveiller les printemps.
Il attire vers lui les astres et les âmes,
Et l’infini demeure ébloui de ses flammes.

(Les Cimes)