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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.


LUI

Aussi je te bénis, Monstre ! En ta main j’honore
L’archet qui fait vibrer tout mon être aujourd’hui.
Oh ! je n’ai rien perdu ! Si le bonheur m’a fui,
J’ai reconquis du moins l’art saint et son délire.
De mon cœur déchiré qu’as-tu fait ?... Une lyre.

LA MACHINE

Dans la fabrique en feu la Machine est en joie.
Le chauffeur la nourrit du charbon le plus dur ;
Et le soufflet, poumon robuste, vers l’azur
Envoie une fumée épaisse qui flamboie.

La Machine toujours guette l’Homme, sa proie.
Il te faut, ouvrier, coup d’œil vif et pied sûr
Pour éviter l’horrible embrassement obscur
Que donne à l’homme étreint l’engrenage qui broie.

La Machine parfois pousse des cris humains,
Et souvent le cylindre, en broyant les matières,
Ecrase des poignets et des jambes entières ;

La roue, en tournoyant, semble agiter des mains ;
Sur le pilon de cuivre une tête se pose,
Et dans le cuvier noir coule un sang tiède et rose.