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JEAN AICARD.


J’ai pourtant vu passer dans le vol de mes stances
De blanches visions, filles de mon désir,
Mais je n’aime d’amour que mes jeunes croyances :
Espoir dans le printemps, et foi dans l’avenir !

(Les Jeunes Croyances)

LE LION EN CAGE



Il dormait, roi déchu, le grand lion sans antre,
Dans sa geôle aux larges barreaux ;
La respiration lui soulevait le ventre,
Longue et paisible, à temps égaux.

L’œil plein de visions sous sa lourde paupière,
Sans doute il songeait vaguement
Aux bois où l’on vit libre, aux cavernes de pierre,
Aux sources sous le firmament.

La foule des passants, curieux sans courage,
Regrettaient de ne pas le voir
Debout et frémissant s’indigner de sa cage
Et leur rugir son désespoir.

« Quoi ! c’est là le vaincu, si noble, si farouche,
Que l’on admire et que l’on craint !
Un baladin le montre, un gardien vil le touche,
Et mêle ses doigts à son crin !

« Qu’il se lève, du moins ! Allons, des coups de tringle ! »
Le gardien dit alors : « Debout ! »
Et sa barre de fer le torture et le cingle,
Avec un bruit sourd, coup sur coup.