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JOSÉ-MARIA DE HEREDIA.



L’EXILÉE


MONTIBUS… CARRI DEO
SABINVLA V. S. L. M.____





Dans ce vallon sauvage où César t’exila,
Sur la roche moussue, au chemin d’Ardiège,
Penchant ton front qu’argente une précoce neige,
Chaque soir, à pas lents, tu viens t’accouder là.

Tu revois ta jeunesse et ta chère villa
Et le Flamine rouge avec son blanc cortège ;
Et lorsque le regret du sol latin t’assiège,
Tu regardes le ciel, triste Sabinula.

Vers le Gar éclatant aux sept pointes calcaires.
Les aigles attardés qui regagnent leurs aires
Emportent en leur vol tes rêves familiers ;

Et seule, sans désirs, n’espérant rien de l’homme,
Tu dresses des autels aux Monts hospitaliers
Dont les Dieux plus prochains te consolent de Rome.


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LES CONQUÉRANTS




Comme un vol de gerfauts hors du charnier natal.
Fatigués de porter leurs misères hautaines,
De Palos de Moguer, routiers et capitaines
Partaient, ivres d’un rêve héroïque et brutal.

Ils allaient conquérir le fabuleux métal
Que Cipango mûrit dans ses mines lointaines,
Et les vents alizés inclinaient leurs antennes
Aux bords mystérieux du monde occidental.