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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.


Soleil à qui l’oiseau fervent chante des proses,
Parmi les encensoirs mystiques de jasmins,
Soleil béni, Soleil à qui les pommiers roses
Offrent ingénument des fleurs à pleines mains ;

Soleil glorifié par les sept chants du Prisme,
Toi pour qui fume aux cieux l’holocauste des soirs,
Soleil vers qui les monts haussent avec lyrisme
Des floraisons de neige au bout de leurs bras noirs,

Et vers qui rit la mer, et fleurent les pétales,
Et rugissent d’amour les lions chevelus,
Et montent, chœurs divins des flores cérébrales,
Les graves Rythmes d’or des Poètes élus,

Soleil, nous t’implorons ! Soleil, que tes oreilles
Entendent l’oraison de nos cœurs douloureux :
Tes grandes sœurs du ciel, les Étoiles vermeilles,
Daignent ouïr la voix des grillons ténébreux.

Toi qui nous as tenus dans tes flancs de lumière,
Toi qui nous exilas sur la Terre au sein gris,
Fais chanter les oiseaux sur nos fronts en prière
Et pousser les gazons sous nos orteils meurtris

Fais éclore le Bien dans nos âmes aimantes,
Fais fleurir la Candeur en nous comme un lin pur,
Et fais croître en Avril de belles fleurs de menthes
Pour les moucheronnets qui dansent dans l’azur.

Fais mûrir nos raisins, fais odorer nos roses,
Fais surgir les trésors confiés aux sillons,
Et fais s’épanouir dans nos cerveaux moroses
De beaux pensers joyeux comme tes papillons.