Page:Lemerre - Anthologie des poètes français du XIXème siècle, t4, 1888.djvu/221

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
201
VICTOR D’AURIAC.

Ma tâche de science et de deuil solitaire.
Tout mon ancien bonheur, qu’il me faut mettre en terre,
J’ai voulu, cette fois encor, le regarder,
Et je l’ai gravé dans mon vers, pour en garder
L’image chère, avant que le passé l’emporte,

Comme le Tintoret peignant sa fille morte.


(Pâques- fleuries)





CAS DE CONSCIENCE




Empesé dans sa fraise et droit dans son pourpoint,
Après avoir ouï la messe à Saint-Eustache,
D’un groupe de muguets le Baron se détache
Et part en retroussant sa rapière du poing.

Par les quartiers fangeux, que l’on ne pave point,
Il chemine, sacrant et tirant sa moustache,
Et fripe ses crevés du bout d’un gant pistache,
Tout rêveur et troublé d’un souci qui le point.

Car le prédicateur, très docte et très sincère,
A parlé du péché — hideux comme un ulcère ! —
Où la faiblesse envers les Huguenots fait choir ;

Et le galant, devant le logis de sa dame,
Se demande, au moment de lever le heurtoir,
S’il n’y va pas risquer le salut de son âme.


(Renaissance)