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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.


LE CALVAIRE




Mon épaule a fléchi sous ma pesante croix.
J’ai beau demander grâce au destin trop sévère,
Aucun espoir ne m’aide à gravir mon Calvaire ;
Mon âme se refuse à s’écrier : Je crois !

Semblable à Jésus-Christ que j’imite et révère,
Je suis tombé déjà pour la troisième fois ;
J’ai dit : J’ai soif, mais nul ne m’a répondu : Bois !
J’ai soif de Vérités, — le Doute tend son verre !

Qui me couronnera d’épines ? Mais mon fronc
Indigne n’est pas fait pour ce divin affront.
Et lorsque de douleurs ma coupe sera pleine,

Cloué sur le gibet que mon orgueil planta,
Je mourrai sans grandeur, seul sur mon Golgotha,
Et je ne serai pas pleuré par Magdeleine !





ENFANTS DE MALHEUR




Il épelle déjà tous les mots de son livre.
Il hésite d’abord, devant l’accouplement
Des lettres; puis le mot jaillit spontanément,
Comme un oiseau captif que sa bouche délivre.
Son front s’éclaire alors d’un fier rayonnement ;
Et ce premier succès l’encourage à poursuivre.
C’est ainsi que l’enfant de l’inconnu s’enivre :
Le désir de savoir dompte son bégaiement.