Page:Lemonnier - Adam et Ève, 1899.pdf/11

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

le loriot, ou le linot ? Un oiseau inconnu a chanté dans les chênes, au bord de la sente. Cependant le chien n’aboyait pas ; il agitait la queue et moi je serrais de toutes mes forces mon cœur entre mes mains. Mon Dieu, il y avait si longtemps que je n’avais entendu un rire humain ! À présent des voix s’élevaient, fraîches comme le vent et l’eau. Il y en avait trois et l’une était plus claire, presque la voix d’un enfant. Il faut courir, il faut crier à pleine poitrine : « Un homme est là ! un homme vit solitaire dans ces bois ! » Tout doux, Misère ! À pas lents, de peur que le craquement des ramilles ne les effarouche ! Oui, silencieusement, cela vaut mieux ainsi. Toute la forêt battait dans mon cœur.

Elles étaient trois, assises dans les fougères, des paniers légers à leurs pieds. Avec un geste lent de la main elles égrappaient la fraise des bois, leurs lèvres se mouillaient d’un jus rose. Je m’étais avancé en étouffant le bruit de mes semelles et je les regardais avec des yeux aigus. J’étais le chasseur sauvage descendu dans la région des