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limpide du monde. Une vierge ainsi sortit des portes du jour avec des colliers et des bracelets de rosée. Lève tes pieds, remue les bras, délicieuse enfant, fais ruisseler ta chair en lumières vives, en fontaines d’eaux de perle sur ce cœur aride qui ne connaissait pas encore la joie. Ma vieille folie délirait derrière mes lèvres closes. Je ne savais plus depuis combien de temps je l’avais attendue. Je lui dis : « Vois, les fraises sont bien plus belles que l’autre jour. »

Le ruisseau et le vent disent des paroles dont ils ignorent le sens : elles sont simples et profondes ; elles s’accordent avec l’heure et avec le ciel. Moi aussi je dis là une chose en apparence vaine et obscure. Cependant elle se rapportait à ses lèvres, à l’aube, à l’heure divine. L’enfant ne me répondit rien, d’abord ; elle regardait les fruits roses et puis la forêt ; elle n’osa pas tout de suite me regarder franchement. Elle jouait avec le panier qu’elle tenait à la main ; nous étions l’un près de l’autre deux créatures inconnues qui viennent par des chemins opposés. C’était