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pour la rencontrer que j’avais quitté les villes, qu’une main m’avait mené vers la forêt et on ne sait pas ce qu’il y a dans un pas qu’on fait en avant ou en arrière. Ses petits seins levaient avec émoi sa robe. Et enfin elle me dit : « Il y a si longtemps que je marche ! Déjà on fanait le foin coupé. »

Elle aussi maintenant exprimait là obscurément une chose grave, comme une parabole. La mort l’avait poussée hors de la maison ; elle était partie et elle revenait. Mais le faucheur avait passé ; des champs entiers, des hécatombes saignaient dans l’arène vermeille. Cependant la moisson des fraises rougissait le fossé et n’avait pas été coupée. Je m’assis auprès d’elle ; je lui dis, montrant le chien : « Celui-là s’appelle Misère. À peine il t’a vue et il t’est attaché déjà. Quant à moi, je suis celui qui a perdu son nom. Un arbre s’appelle un arbre et moi je ne suis plus qu’un homme. Je suis l’homme qui habite dans cette forêt. » Elle se mit à rire et me dit délicieusement, avec son œil blond comme l’abeille : « Comment crierai-je alors vers