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pour l’autre ; nous étions nous-mêmes une part du mystère qui nous entourait. Peut-être nos âmes, dans l’heure confiante, descendirent jusqu’aux limites de notre substance et obscurément se regardèrent. Nous n’éprouvions plus le besoin de parler. Un vent léger, le bruissement lent des feuilles ondulait de nous à nous comme l’inexprimable de notre vie. Cependant elle commença d’incliner la tête et je vis que le sommeil l’avait prise. Je lui dis : « Janille, j’ai préparé pour toi un lit de fougères. Va t’y étendre pendant que moi j’irai dans le bois. Je t’y laisse à la garde de Misère. » Un sentiment très pur me fit désirer de m’éloigner d’elle, comme si elle eût été pour moi une sœur de mon sang. Va donc, innocente Janille ! Repose sur ta couche parfumée ! Il n’y a ici qu’un homme fraternel sous la palpitation des ramures.

J’allai à travers la forêt. Je marchai un peu de temps et puis je revins jusqu’à la maison. Une laiteuse nuit sans lune s’épanchait sur le toit. L’habitation sembla mollement respirer dans un souffle d’enfant. N’était-ce pas là