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ADAM ET EVE

mesure tondue par leur langue ; ils vont jus­ qu’à la haie et puis ils reviennent. Ce simple esprit d’Ève ainsi d’abord obscurément tourna dans un rayon borné et maintenant, éveillée au sens de l’infini par la maternité, elle regardait par dessus la haie du côté des choses qui éternellement recommencent. « Ève, lui dis-je, tout s’effrite et tout revit. Je prends cette motte, je la romps entre mes doigts, j’en sème la poussière au vent. Chaque grain n’en demeure pas moins un morceau vivant de l’u­ nivers, comme une parole tombée de la bou­ che est de la vie qui ne cesse plus et se mêle au tourbillon des mondes. » J’avais pris, en effet, dans mes mains une motte de terre ; je la désagrégeai et une fine cendre ruissela, vola au large. Ses clairs yeux aussitôt furent comme une eau courante où se reflètent de mobiles paysages. Elle regarda le ciel, les arbres, la savane avec la lumière tournante de ses prunelles ; et ensuite celle-ci glissa et s’arrêta sur le sommeil d’Abel, couché entre ses seins. Et Ève me dit profondément : « Tout vit éternellement, Adam ! Et il n’y a


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