Page:Lemonnier - Félicien Rops, l’homme et l’artiste.djvu/21

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quelques centaines d’œuvres libérées de tout souci du dogme et de la morale théologique.


L’histoire ne dit pas quelle fut son humeur d’enfance ; on lui soupçonnerait volontiers, toutefois, sous le sang vif des joues, avec le feu des yeux, une petite âme curieuse, volontaire et hardie. En rentrant de ses cours, il trouvait installés devant leurs pupitres deux amis avec lesquels M. Rops père faisait sa partie de musique : c’étaient le « père Buch », bassonniste, qui devait lui fournir un si joli sujet d’eau-forte, et le flûtiste Van Gelroth. « Buch vissait son basson, Van Gelroth sa flûte, mon père s’asseyait au piano-forte et l’on jouait les vieux airs de Sébastien Bach, bien inconnu alors, et pour se reposer, les sonates de Steibelh… Pendant ce temps, âme déjà vouée aux choses du dessin, je feuilletais, couché à plat ventre, à la lueur d’un « petit quinquet » un gros livre plein de belles illustrations : les fables de Jacob Kats ». C’étaient là des heures émerveillées où son esprit par avance voyait se lever le geste de la farce. Plus tard, à l’éveil de la puberté, peut-être l’adolescent se préoccupa du petit peuple des filles que l’heure de la sortie faisait galoper par les rues. Sous leurs hardes déteintes, le corps avait un attrait deviné de mystère et de mouvement, bien fait pour impressionner un esprit agile comme le sien.

Il semble, au surplus, que sa vie, dès le commencement, ait été personnelle et active. En un pays de rivières et de montagnes, la nature propose à un organisme jeune et sain des plaisirs qui finissent par passer dans l’habitude même de l’existence. Félicien Rops devait garder de sa première enfance le goût de la nage, de la rame et de la marche. Il eut tôt la petite folie grisante de la vaste nature qui l’entourait et qui, jusque bien avant dans l’âge de la maturité, forma le cadre de ses étapes d’art et d’humanité. En pensée, on le voit suivre là-bas, au fil de l’eau, le coup d’aile lent du