Page:Lemonnier - Félicien Rops, l’homme et l’artiste.djvu/252

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au retour, fut étourdissante : tandis qu’il débobinait ses souvenirs, il semblait avoir vécu le songe nomade de la savane, la fièvre des placers, la vie brûlée des millionnaires des grandes villes. Il racontait que des capitalistes avaient payé le poids des trésors de Golconde ses dessins. Il laissait entendre qu’il était parti implanter là-bas les modes d’un Worth et d’un Paquin. Ce fut une de ses coquetteries de dessiner, sur les feuillets qu’il adressait aux femmes, des croquis de robes et de chapeaux qu’il prétendait avoir inventés pour les belles dames du Nouveau-Monde. On cherche vainement, toutefois, de son séjour chez les Yankees une composition d’art. Rien ne filtra : mais, à défaut de crayons, ce fut le chef-d’œuvre comique de sa lettre à la Jeune Belgique, où il s’égala au plus extraordinaire humour américain. La voici, avec ses encres alternées, telle que la donna la batailleuse petite revue, en mai 1885.

Buffalo — sur les bords du lac Érié — seul avec les flots,
sous le regard de Dieu.


« Ah ! ça, on ne peut donc même pas pêcher des blue fishes sur le lac Érié sans être dérangé par ses amis ? Mais, je ne suis plus aquafortiste, mon cher W…, je me suis fait tatoueur, vous avez bien lu : Tatoueur sur les bords du lac Érié, bords déjà embêtés par Chateaubriand. J’habite une cabane en sapin de Californie (Wellingtonia Gigantea : Conifère) et au-dessus se balance en lettres rouges comme Célestin Demblon, l’enseigne suivante, ornée de dessins qui feraient pâlir les Vingt eux-mêmes.