Page:Lemonnier - Happe-chair, 1908.djvu/83

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café du Culot, sur les banquettes duquel, après quelques rigodons, la bande s’affala, rendue, les cheveux poissés par la sueur.

Là, Zinque imagina une plaisanterie qui ne ratait jamais. Il prit à part Capitte :

— C’est-i pas vrai, dis, Berlu, que t’es m’n ami ?

— Si fait.

— Et que si t’savais que j’aurais du chagrin, t’aurais du chagrin aussi ?

— Pardi !

— Et que si quelqu’un en voulait à l’ami Zinque, cré nom dé Dié ! faudrait pas qu’i bouge, car tu serais là pou’ l’ taper ?

— Ça oui.

— Ben, écoute. Y a que l’ patron d’ici, i m’ voit d’un mauvais œil, rapport à l’œil que j’ fais à la patronne. Ben, faudrait démolir son bazar.

Le géant renifla puissamment, puis se dressa. Tout d’une fois, cette force aveugle de brute se trouva prête pour venger un ami : d’un coup de poing il fendit une table dans sa longueur, et il allait en entamer une seconde quand Zénon, le prenant au collet, lui cria :

— Biesse, c’est po rire !

Alors le colosse, rasséréné, fut secoué d’une grosse gaieté ; sa face de cyclope, où l’œil crevé s’enfonçait dans un bourrelet de peau, s’exhilara en une grimace bon enfant ; et prenant à deux mains le borain par les reins, il le balança par-dessus sa massive tête crépue, comme il eût fait de ses ringards, enfin le posa à terre, très doux, disant :

— Sacré diseu de carabistouilles, va ! Bon que c’est toé !

On fit encore une dizaine de chapelles, mais l’entrain mollissait sous l’assommement de la bière ; et par moments une des femmes