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l’hallali

l’ombre, la maîtresse et la servante, reprisant le linge, réglant la dépense, veillant à tout, sans se montrer, petite figure humble, passive et douce, cachée derrière le rideau d’un ouvroir et qui ne semblait pas compter dans la vie du puissant seigneur.

Une nuit, un cri aigu d’enfant avait été entendu par delà les portes : Jean-Norbert sournoisement faisait son entrée dans la lignée, en l’écartelant de bâtardise. Mais à un an de là, comme le baron chargeait un sanglier, il culbuta sous la ruée du monstre qui lui labourait le flanc et que tout de même il achevait à la dague. On le transporta mourant : la sainte Église, au seuil de l’autre vie, lui fit des admonestations suprêmes. Il espéra gagner les célestes faveurs en régularisant, par l’échange des anneaux, le scandale de sa vie païenne. La simple Micheline, la fille des Bœuf, estivandiers et petits cultivateurs, en pénétrant à son tour dans la chambre où avant elle était entrée la mort, sembla y avoir du coup ramené la vie.

Cependant Pont-à-Leu, au bout de quelques mois, de nouveau lâchait ses meutes, rallumait ses flambeaux, réattelait à ses carrosses les quatre paires de chevaux qui, sous le caparaçon, avaient failli mener le baron au cimetière.

Rien ne parut avoir changé : Micheline elle-