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l’hallali

Le curé au cœur de soldat tout à coup lui prenait les mains qu’il se mettait à secouer et s’oubliant à le tutoyer lui-même :

— Mille tonnerres ! Ne vois-tu pas que j’en ai envie autant que toi, baron ?

Là-dessus, interpellant Jumasse qui finissait de racler avec l’étrille le cuir de Bayard :

— Hé ! l’ami, ce ne sera pas encore pour aujourd’hui ! Remets la bête au râtelier.

— Mieux vaut ça, not’ révérend, rapport à la colique de Bayard qu’a mangé du fourrage humide.

Le baron, maintenant, faisait claquer sa langue :

— Ah ! vois-tu, c’est la faute à ce vieux sang qui me bouillonne par le corps comme le jus d’une cuvée. Je vois rouge quelquefois.

— Allez, les grands chênes du bois connaissent aussi la remontée des sèves au temps des reverdis. Ne vous en plaignez pas, baron !

— Tu as raison, dit le Vieux en lui passant le bras sous le sien et l’entraînant du côté des communs. Mais si tu m’en crois, curé, nous irons par là : il n’est pas bon qu’on nous aperçoive ensemble. Personne encore n’a vu pleurer la vieille bête que je suis, sauf toi, en ce moment, car il n’y a pas à dire, ça y est, j’ai aux yeux la goutte que les autres ont au nez. Ah ! je sais bien, c’est ton