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— J’ignore où demeure Mlle  Déjazet… mais le premier malheureux que vous rencontrerez vous le dira.

Légendes !

Déjazet était généreuse, mais surtout prodigue, tant qu’arrivée à l'âge de soixante-dix ans, ses amis durent organiser pour le célèbre Vert-Vert une représentation de retraite qui sauva ses derniers jours de la misère.

Pourtant, elle avait ses moments d’avarice et elle réduisait alors ses dépenses avec exagération. Mais cela durait peu et l’actrice redevenait vite l’insouciante fourmi que l’on connaissait.

En réalité, si Déjazet s’est ruinée, c’est surtout pour les siens. Elle était mère excellente et adorait ses enfants et ses petits-enfants. On abusait de cette tendresse qui la rendait aveugle.

Elle avait cependant une préférence pour Eugène, Celui-là était toute sa vie, et je ne m’imagine pas Virginie Déjazet survivant à ce fils tant aimé, tant admiré. Lorsqu’elle voyageait, il devait lui écrire chaque jour, et s’il oubliait de s’acquitter de ce soin, elle télégraphiait, passait par d’horribles transes jusqu’à ce qu’il l’eût rassurée avec deux mots de dépèche.

Un soir j’eus avec Eugène Déjazet, dans un café voisin des Folies-Marigny, une querelle suivie de voies de faits. Le fils de la comédienne devait m’envoyer des témoins le lendemain ; j’avais prié Rolland, le directeur des Délassements, et François Oswald, du Gaulois, de me servir de témoins.