Page:Lemonnier - Noëls flamands, 1887.djvu/340

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que je les trouvai près du feu, l’une à côté de l’autre et la main dans la main, contentes de moi et heureuses d’elles-mêmes, comme de vieilles amies qui se sont juré de ne plus jamais se quitter.

» Et ce fut vraiment une bonne soirée, Stéphane, bien qu’il n’y eut pas d’oie aux marrons sur la table ; mais jamais je ne réussis mieux mon thé, et après le thé nous bûmes du vin chaud.

» Je crois bien que votre vieille tante en prit plus que de raison, mon neveu, car la tête lui tourna cette nuit-là, au point de lui faire prendre le matin pour le soir et le côté où le soleil se lève pour celui où il se couche.

» Quels efforts cette bonne Clotilde faisait pour égayer notre thé ! Elle m’embrassait, elle plaisantait, elle avait mille souvenirs qui me faisaient rire. Lisbeth, elle, parlait peu, taciturne comme à l’ordinaire, mais continuait à lui sourire d’un sourire qui ne finissait pas.

» À dix heures elle se leva.

» — Clotilde, dit-elle, on m’a demandé de la charpie pour un pauvre homme blessé en tombant d’un échafaudage. Je vais retourner à la maison, afin que la charpie soit prête pour demain matin.

» — Quoi ! déjà ? s’écria Clotilde.

» Je vis bien que son cœur se serrait. Lisbeth avait dit cela si froidement ! Après huit ans ! Elle partait comme tous les mercredis à l’heure accoutumée.

» — Pardonnez-moi, Clotilde, reprit Lisbeth en souriant, je veille peu hors de chez moi, et mon temps appartient aux malheureux.

» Elle mit lentement son châle et son chapeau, puis tendit la joue à la bonne Clotilde, en lui disant :