Page:Lemoyne - Œuvres, Une idylle normande, 1886.djvu/21

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où le ciel n’est pas grand de trois aunes, comme aux yeux de Virgile, mais apparaît en demi-lune bleue, si petite, si étroite et si loin qu’on dirait à peine une trouée d’écureuil.

Puis il ramena graduellement ses regards dans le voisinage, au bord d’un chemin creux où le jour tamisé par une haute rangée de hêtres répandait magiquement sa lumière bleuâtre. Là il aperçut quelque chose d’insolite, blanc comme neige, hémisphérique comme un champignon gigantesque. « Tiens ! s’exclama-t-il, un parasol de paysagiste… le parasol et la boîte à couleurs, et la pique et le sac de voyage… l’équipement complet de l’heureux bohème qui chemine à son gré pour faire ses études en plein air, et replier bagage au bon plaisir de Sa Grâce nomade. J’admire ce fervent adorateur de la nature, si carrément établi dans mon parc réservé ; j’aimerais à savoir quelle route il a dû prendre en dehors de ma grille et des murs de clôture, qui n’ont pas une seule brèche. Je ne connais que la taupe et l’hirondelle pour se frayer sans façon un chemin si commode. Après tout, ce rêveur peu soucieux des gardes champêtres m’a tout l’air d’un Juif errant qui serait à la mode. Soyons hospitalier, abordons poliment notre homme. » Et, sans plus attendre, le comte descendit à la rencontre de l’inconnu.