Page:Lemoyne - Poésies, 1871-1883, Lemerre.djvu/114

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De leur temps, ils passaient pour des hallucinés :
L’un voyant tout en or dans une chambre noire,
L’autre écoutant des voix au fond de sa mémoire,
Comme les Enchanteurs et les Illuminés.

Mais qu’importe ! — Chez eux rien qui se mésallie. —
Ils ont aimé toujours leur grand art d’amour pur.
S’ils n’ont rien modulé sur un ton bleu d’azur,
C’est qu’ils n’ont pas connu la Grèce ou l’Italie.

Rembrandt peignait de fiers et sombres cavaliers
Sous feutre à larges bords ou toque à riche plume,
À l’aise dans un ample et merveilleux costume,
Sans raideur, à la fois graves et familiers ;

Bourgmestres et syndics, honnêtes personnages
Dont la barbe caresse un grand col rabattu,
Des gens de haute mine et d’austère vertu,
Trouvant la poésie au fond de leurs ménages ;

Ou marins revenus d’un voyage au long cours,
Des tempêtes du Cap, des îles de la Sonde,
Dans leur pays de brume, au bout de l’Ancien Monde,
Rejoignant au foyer de sérieux amours.