Page:Lemoyne - Poésies - 1873.djvu/113

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L’un, en mer, aux lueurs de sa mauvaise étoile,
A bord d’un long trois-mâts tout chargé d’émigrants,
Et le corps, mal cousu dans un lambeau de voile,
On ne sait où, flottait au hasard des courants.

L’autre, pris pour la guerre, avait suivi l’armée,
Sans rien voir, emboîtant le pas dans la fumée ;
Mais la faucheuse avait couché les bataillons
Dru comme épis tombants au revers des sillons.
Dans un pli de ravin, au bord de la mer Noire,
On l’avait mis en terre, un lendemain de gloire,
Empilé sur un tas de vaillants inconnus,
Pauvres morts dépouillés, ensevelis tout nus,
Aussi nus qu’en sortant du ventre de leur mère.


III


Vers cinq heures du soir, le jour s’enténébrant,
Les deux plus vieilles sœurs burent un dernier verre ;
Et puis chacune prit un chemin différent :
La Rouge pour guetter quelque Arthur de barrière,