Page:Lemoyne - Poésies - 1873.djvu/74

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Nous irons nous asseoir au bord des sources fraîches
Où le chevreuil léger comme une ombre descend,
Où nous avons cueilli la plante aux vertes flèches. —
Dans le creux de ta main nous boirons en passant ;

Et nous écouterons sur les mares dormantes
Cet invisible écho, prompt à s’effaroucher,
Que tu croyais blotti parmi les fleurs des menthes,
Et qui ne dit plus rien dès qu’on veut l’approcher.

Notre cœur salûra ces vieux hêtres intimes
Sous lesquels, vers le soir, trop émus pour causer,
Pour la première fois tous deux nous répondîmes
Au chant du rossignol par un muet baiser.

Loin d’être indifférents au souvenir des autres,
Nous verrons si le temps n’aurait pas effacé
Du grand arbre les noms plus anciens que les noires,
Noms d’heureux qui s’aimaient dans le siècle passé.

Et nous bénirons Dieu, qui, nous ayant fait naître
Au nombre des élus, a choisi notre jour :
Si j’étais né plus tôt, sans pouvoir te connaître,
Il m’aurait fallu vivre et mourir sans amour.