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la triomphatrice

Sorrèze.

Devant les autres, j’ai trop d’orgueil de vous, Claude, mais, entre nous, j’ai peur de vous savoir consciente de tant de valeur, de tant de force, j’ai peur de vous qui avez aimé l’ambition, jusqu’à en vouloir en votre nom propre, j’ai peur que vous compariez et que je ne l’emporte pas.

Claude.

Michel, je n’ai pas trouvé une déception en vous. Vous avez été le salut, vous avez été le miracle. Sans vous, j’étais une condamnée. (Ironique, amère.) Ce que je vaux ? Qu’est-ce que cela fait pour mon bonheur ?

Sorrèze.

Dans un amour normal, l’homme doit primer la femme.

Claude, fermement.

Oui.

Sorrèze, la scrutant avec anxiété.

Et si c’était vous, Claude, si c’était vous la plus grande, la plus forte et la plus altière…

Claude.

Vous étiez le premier écrivain de France quand j’étais un pauvre grimaud de journal de modes.

Sorrèze, avec conviction.

Depuis…

Claude, passionnée.

Disparaissez de ma vie et l’on verra ce qui reste de ma gloire et de mon talent.

Sorrèze.

Bien que mon royaume ne soit point de ce monde, vous n’en êtes pas moins un sujet inquiétant. Je ne vous tiens que par l’amour : une inférieure, je l’aurais par orgueil