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la triomphatrice

Bersier.

Nous ne représentons évidemment pas l’aristocratie de la maison (Claude a un mouvement de lassitude.) Tenez, puisque décidément je lis Saint-Simon, en ce moment… on ne peut pas toujours lire sa femme… Je vous rappellerai ce qu’il dit du maréchal de Villeroi… ma chère Claude, vous me faites l’effet d’une machine pneumatique, vous pompez l’air autour de vous.

Claude, revenue à son immobilité.

Votre fille vient de me dire cela.

Bersier.

Ah ! ah ! la petite aussi, parbleu. Ça devait arriver… que voulez-vous, ma chère, il est évident que vous n’avez pas uniquement vécu pour votre mari et pour votre enfant.

Claude a un petit frisson et semble rêver.

Envers Denise, je n’ai rien à me reprocher. Toute la force vive que je puisais dans mon travail a entretenu chez moi un éveil, une ardeur, une joie maternelle, dont l’absence chez les autres femmes, m’a souvent fait froid.

Bersier.

Envers Denise, disons-nous, soit. Je ne fais pas difficulté d’admettre que vous étiez une mère séduisante et l’enfant le sentait… mais il arrive un moment, ma chère amie, où le devoir est de charmer un peu moins et de s’effacer un peu plus.

Claude.

Je ne comprends pas bien la leçon que vous me donnez là ?

Bersier.

Je veux dire que la meilleure mère est celle qu’on ne remarque pas… Voilà ce qui manque à votre fille… cette enfant a compris mieux que vous, avec tout votre esprit, la loi qui régit les générations, la mère est une femme abdiquée.