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SAINT-JUST

votre fils qui m’a promis de vous le renvoyer avec deux pistolets et une bague. Monsieur votre fils s’est présenté à l’Oratoire où lon l’a fort mal reçu. Il me dit qu’il a été dissuadé par des religieux de votre pays. Je vous avouerai, madame, quoiqu’il dise, que cet état lui convient très peu, j’ai cru remarquer en lui de grands talents pour la physique et médecine, et si vous faisiez bien vous l’engageriez à prendre un état dans lequel il se distinguera un jour à coup sûr, mais il y a un inconvénient. Je ne vous conseillerai pas de le faire travailler de quelques mois, il a le sang calciné par l’étude, et son mal de tempe qui commence encore à le reprendre ne vient que de là. Voici le régime qu’il lui faut garder pendant trois mois : ne vivre que de laitage et de légume, ne point boire de vin absolument, et se couvrir beaucoup la nuit afin de suer, et l’empêcher d’étudier autant car s’il continue, il n’a plus un an à vivre. L’intérêt que je prends à qui vous regarde de si près, madame, m’engage à lever tous les voiles et à vous dire la vérité. Il faudrait aussi qu’il fit usage d’une poudre anti-emorragique tous les matins, pour purifier le sang. Cette poudre, de nouvelle invention, se vend à Paris deux louis la boîte, et il en aura pour un siècle.

Je n’ai pu le faire résoudre à retourner chez vous mais, madame, écrivez en sorte de le faire revenir, car il persiste ; il veut aller s’embarquer à Calais, sans doute il en ferait le voyage à pied, ce qui enflammerait encore son sang davantage et il n’y arriverait point. Il m’a défendu de vous écrire, de vous dire son adresse, mais la voici : Hôtel Saint-Louis, rue Fromenteau. Écrivez-lui, mais amicalement, car il est d’une sensibilité comme je n’en ai point encore vu. Vous aurez même raison de ne pas perdre de temps, car il doit partir le 7 ou le 8 octobre. Il sait mon adresse, et s’il a besoin de mes services il pourra m’écrire. Je serai fâché, Madame, que vous me remboursassiez l’argent que j’ai rendu au Juif pour le