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INTRODUCTION

méchants m’ont flétri le cœur. » Et que dites-vous de cette espèce de thrène funéraire qu’il prononça sur lui-même : « Je méprise la poussière qui me compose et qui vous parle ; on pourra la persécuter et la faire mourir, mais je défie qu’on m’arrache cette vie indépendante que je me suis donnée dans les siècles et dans les cieux ! » Une telle exaltation est bien propre, n’est-ce pas, à retenir une jeune fille, née avec une grande âme, que le malheur tente d’accabler. Marie Lenéru ne peut ni parler ni entendre ; n’importe, elle jure qu’elle ne passera pas sans écho ; elle va s’employer à réviser et à réformer la pensée de ses contemporains, et c’est elle, la prisonnière du silence, qui par son verbe libérera ceux qui la croient condamnée. Elle veut conquérir une audience universelle, et défie qu’on lui arrache cette vie indépendante que par son art elle va se donner dans les siècles et dans les cieux.

Saint-Just, c’est le roman de Marie Lenéru. Sur sa colline battue des vents, dans le double isolement de sa supériorité et de son infirmité, elle accueille cet adolescent taciturne, un silencieux comme elle, un homme intérieur. Il est impossible de prévoir avec quoi un esprit se fait de la santé. Cette fille superbe de courage, oui, vraiment magnifique dans son ardeur à surmonter sa propre destinée,