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SAINT-JUST

Il semblerait donc que Saint-Just débuta mal avec le représentant de l’autorité maternelle, qu’il se montra défiant et sans doute rancunier. Après thermidor, réclamant sa liberté du Comité de Sûreté générale, M. d’Évry déclare avoir reconnu dès lors « le cœur vindicatif et corrompu de ce tyran[1] ». C’est pourtant une assez aimable lettre qu’il reçut trois mois plus tard de son prisonnier, avec un souci de bonne tournure qui dénote la liberté d’esprit et une belle humeur dans l’allusion à sa présente adresse, qui en font très bien une lettre d’honnête homme à honnête homme.

À Paris, ce 26 février 1787.
Monsieur,

Je vous demande mille pardons de n’avoir pas répondu plus tôt à la lettre que vous m’avez fait l’honneur de m’écrire. La fièvre me prit il y a quinze jours et ne me permit pas de prendre la plume. Toutefois, ça n’a rien été, et me voici presque aussi bien portant qu’auparavant.

  1. M. Bégis prend au pied de la lettre la réclamation d’Évry qui ne peut attribuer son arrestation qu’à la haine que lui avait vouée le scélérat Saint-Just, pour avoir dévoilé aux yeux du lieutenant de police d’alors sa conduite atroce envers sa mère. M. Hamel fait remarquer le caractère dubitatif de la plainte. En tous cas, l’arrestation d’Évry — 5 ventôse an II — coïncide avec un retour à Paris de Saint-Just qui est alors président de la Convention et prononcera le 8 son rapport sur les détentions. Celui-ci n’était pas un guillotineur maladif, mais il usait volontiers de son pouvoir et, sans doute jugeait-il que l’incarcération d’Évry répondait à un secret besoin de symétrie.