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L’Amérique est riche en jeunes filles, mais il n’y a pas que la manière d’Alice Roosevelt et de Gladys Vanderbilt. L’une d’elles, qui n’est ni milliardaire, ni beauty — bien qu’elle soit charmante — possède une notoriété si encombrante qu’elle est obligée de faire imprimer qu’elle ne peut pas répondre à ses lettres, des compatriotes inconnus lui annoncent qu’un bateau portera son nom. S. M. la reine douairière d’Espagne lui envoya son portrait en médaillon et, de célébrité à célébrité, elle fut en relation avec des artistes et des écrivains. Si l’on demande ce qu’a fait cette jeune fille, voici : elle est sourde-muette-aveugle.

Mark Twain a dit que les deux personnages les plus extraordinaires du dix-neuvième siècle étaient Napoléon Ier et Helen Keller. Le goût reçoit un petit choc au rapprochement de ces deux noms et, cependant, à ne considérer que la rareté des êtres, il est simplement exact. Si l’on supprimait de la vie impériale toutes les sanctions glorieuses pour n’en laisser subsister que la dépense de force et qu’on offrît à un homme le moyen de reproduire la somme d’énergie fournie par le capitaine ou par la jeune fille, la réponse ne fait pas un doute : il opterait sans hésitation pour l’empereur.

Ce qui rend miss Keller infiniment intéressante, hors de tout point de vue pathétique et même, si je puis le dire, énergétique, c’est l’expérience qui répète en sa vie les étapes de l’humanité. Elle a passé de l’inconscience à la conscience, de l’animal à l’homme, elle a vu naître son âme et, comme une grande mystique, elle nous décrit ses « états intérieurs ». Helen Keller racontant ses visions est seulement beaucoup plus intellectuelle. Il y a chez elle une désinvolture, un vocabulaire techniques qui font certainement oublier — et c’est l’éloge