Page:Lenormand - Nouveau manuel complet du relieur en tous genres, 1900.djvu/68

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
60
RELIURE.

alors que disparaît l’enveloppe matérielle destinée à une existence éphémère.

« Est-ce donc une faiblesse de s’appliquer à conserver avec un soin délicat, non-seulement le souvenir, mais la réalité même des plus nobles et des plus agréables sentiments ? Rien de plus simple que de se plaire à garder et à parer les objets de notre affection. En est-il une plus pure et plus légitime que celle qui nous met en communication constante avec le rayonnement de la pensée humaine ? »

L’art du relieur répond donc à l’un de nos besoins les plus vrais ; il est aussi un de ceux qui exigent le plus d’habileté et d’intelligence. Pour se rendre compte de tout ce qu’il a fallu de labeur et d’adresse, de patience et de goût, pour produire une bonne et belle reliure, qui, très-simple en apparence, est le résultat de manipulations nombreuses et compliquées, il est nécessaire de la décomposer par la pensée, quand on ne veut pas la détruire en la disséquant. Alors on est surpris d’y rencontrer une création véritable, et l’art du relieur est d’autant plus parfait qu’il parvient mieux à déguiser les opérations successives qu’il exige. En outre, au lieu d’être uniforme dans les procédés et les résultats, il faut qu’il se plie aux exigences des temps et des productions. Rien de plus commun dans cette branche de travail que les dissonnances et les anachronismes ; aucune n’exige autant de sens et de jugement, et c’est pour avoir manqué de l’un et de l’autre que l’on a vu trop souvent des artistes fort habiles, pratiquement parlant, appliquer d’anciennes formes de reliure peu en harmonie ou même sans aucune harmonie avec la nature actuelle des livres et la forme que ceux-ci sont destinés à occuper dans nos demeures. C’est ainsi