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BOISHARDY

affamés et ralentis dans leur marche par une longue suite de femmes et d’enfants piétinant pêle-mêle dans la boue, de charrettes portant des blessés livides et des vieillards épuisés ; par deux fois elle passa à proximité de la forêt où Puisaye se tenait reclus sans qu’il se décidât à la rejoindre ; mais le désastre des Vendéens le servit : beaucoup quittaient la colonne et s’enfonçaient dans les bois pour échapper aux poursuites des Bleus. La forêt du Pertre en reçut un grand nombre. Le comte Joseph les accueillit comme dans son domaine : à certains officiers il offrit de partager l’abri de sa hutte ; aux hommes il enseignait le moyen de se terrer en creusant des fossés qu’on recouvrait de branches et de gazon. Il enrégimenta ainsi un assez important

    errante, dépêcha aux chefs de l’armée vendéenne son émissaire femelle, avec une lettre par laquelle, après des compliments emphatiques, il annonçait, sans se nommer qu’il disposait aux environs de Rennes, de 50.000 hommes prêts à s’insurger et dont les chefs attendaient dans des greniers, le moment propice à l’action. Il sollicitait pour eux des sauf-conduits. L’émissaire de Puisaye trouva l’état-major vendéen à Laval ; la lettre fut remise à Lescure, sans qu’il pût savoir de qui elle émanait ni qui l’avait apportée. Il la communiqua à ses collègues. Lescure atteint de la blessure dont il allait mourir avait cédé le commandement de l’armée à La Rochejacquelein. On suit ici le récit de madame de Lescure qui ouvrit la lettre et en fit lecture à son mari (Mémoires de madame de la Rochejacquelein, p. 296). Les braves Vendéens qui depuis un an avaient livré cent batailles et qu’avaient déjà rejoints les bandes de Jambe d’Argent et de Jean Chouan, s’amusèrent beaucoup de ces révoltés trépignant d’impatience dans leurs greniers. Lescure fit répondre : — « Si ces messieurs ont 50.000 hommes, qu’ils les mettent en mouvement ; ils n’ont pas besoin, de sauf-conduits ; on a bien apporté la lettre sans cela… » On conclut que l’avis cachait quelque piège et qu’on ne devait pas en tenir compte. Toutefois il n’est pas bien sûr que la missive de Puisaye n’influa pas sur la décision des Vendéens qui, jusqu’alors hésitants, résolurent de se diriger vers Fougères, avant de gagner Granville d’où ils espéraient pouvoir se mettre en communication avec les émigrés de Jersey. On sait comment cet espoir fut déçu.