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Page:Leo - Aline-Ali.djvu/15

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Des charrettes pleines d’arbustes passaient : les jardiniers improvisaient les massifs ; des bouquetières promenaient les violettes embaumées des premiers soleils. De belles dames, qui passaient en bel équipage, attiraient tous les regards par le luxe et la nouveauté de leurs toilettes, tandis que des cavaliers aux pantalons tendus, cravatés, gantés et sanglés, allaient au petit pas le long des voitures, lorgnant, ou galopaient, le cigare aux lèvres. Le gazon des pelouses était d’un vert lumineux ; perché sur un grand arbre du carré Marigny, un merle, regardant la foule, sifflait.

Une calèche, débouchant de l’avenue Montaigne, vint se mêler au courant qui montait vers l’Arc-de-Triomphe. C’était un équipage de bonne mine, d’un luxe élégant, tranquille et traditionnel. Le cocher, si l’on en jugeait par sa mine calme et honnête, devait être un de ces domestiques vertueux et bien élevés de l’ancien régime, conservé par miracle en ce temps-ci ; le groom lui-même avait l’air timide et bon enfant.

Si, conformément au proverbe, on devait juger favorablement des maîtres à de tels indices, les deux personnes qui occupaient la calèche étaient loin de les démentir. C’étaient un vieillard et une jeune fille, doués l’un et l’autre de l’aspect le plus distingué.

De nos jours, où dans le courant qui nous porte à l’unité tant d’oppositions se heurtent, ce mot de distinction, souvent prononcé, varie fort de sens et représente, au gré de chacun, un vague idéal d’aristocratie. Le vulgaire l’applique surtout au masque, c’est-à-dire à cette empreinte, formée et transmise