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Page:Leo - Aline-Ali.djvu/244

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Arrivés non loin du sommet du mont qui s’élève en face des chalets, ils inclinèrent à droite sur une plate-forme, fréquent but de leurs excursions. De là on découvrait une large perspective de ce fantastique pays des neiges, dont le calme, l’immensité, l’immobilité surtout, jettent dans l’étonnement et dans le rêve l’âme humaine, agent suprême de l’éternelle activité. Les nuages avaient disparu ; le ciel, plus doux, laissait entrevoir l’azur ; l’air n’était plus glacé.

Tout haletants de leur course, les deux jeunes gens s’arrêtèrent. Paul, entourant Ali de ses bras, l’attira sur sa poitrine, et ils restèrent ainsi appuyés l’un contre l’autre, soit pour se préserver d’un refroidissement, soit pour mieux confondre leurs pensées ; les yeux attachés sur les blanches régions, ils furent quelque temps silencieux.

« Ma chère conscience, dit Paul, il appelait ainsi parfois son ami, — qu’éprouves-tu ?

— L’oppression de l’inconnu, répondit Ali, dont les yeux étaient chargés de rêverie.

— L’inconnu, reprit Paul ; oui, tu as bien dit. Les formules ont disparu comme ces nuages que nous poursuivions tout à l’heure, et nous restons en face de l’immensité muette. Autrefois, sur ces frontières in franchissables, on pliait le genou ; on invoquait, en le nommant par son nom, le maître de ces domaines ; on lui parlait et on recevait ses ordres ; car ce roi de la montagne, ce législateur invisible des Sinaï avait ses idées humaines et ses lois écrites ; le ciel et la terre conversaient ensemble ; l’homme et Dieu vivaient dans l’étroite union du vassal et du suzerain… Tout cela n’est plus : les temples de la