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Page:Leo - Aline-Ali.djvu/254

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humides, la tête nue, car leurs chapeaux s’étaient perdus dans la chute, l’engourdissement les gagnait, c’est-à-dire la mort. Cependant, pressés l’un contre l’autre, heureux d’un bonheur étrange, mais immense, ils souriaient en se regardant, si inattentifs aux choses extérieures que des appels arrivèrent à leur oreille sans pénétrer jusqu’à leur pensée. Paul, enfin, le premier, les comprit et s’écria :

« Favre ! ce doit être Favre ! »

Et de toute la force de ses poumons il jeta un cri. Une acclamation d’en haut répondit, et presque aussitôt une corde lancée vint tomber à leurs pieds ; au bout de cette corde une gourde était attachée.

« Ali ! mon enfant bien-aimé, c’est la délivrance ! Reviens à toi ! nous sommes sauvés ! »

Ali ne répondit pas ; seulement, une sourde exclamation s’était échappée de sa poitrine ; son exaltation semblait tombée, ses traits s’étaient éteints, son regard s’était fermé.

Paul ramassa la gourde, et, la posant sur les lèvres de son ami, le força de boire quelques gorgées du kirshwasser qu’elle contenait ; il en but lui-même ensuite ; puis, ayant frotté de neige ses mains engourdies, il prit la corde et se mit à l’attacher lentement et solidement autour d’Ali. Celui-ci se laissait faire ; il dit seulement avec un soupir :

« Tu es heureux de vivre, Paolo ?

— Oui certes, mon Ali ! mourir avec toi c’était beau ; mais vivre ici, avec toi, c’est un bonheur plus sûr et plus cher encore. Laisse-moi te frotter de neige, pour rendre à tes membres glacés un peu de souplesse ; puis tu prendras ton bâton, pour éviter le choc des parois là-haut. »