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Page:Leo - Aline-Ali.djvu/292

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ne s’écartaient d’elle que pour se porter avec une jalouse inquiétude sur les autres passagers. Mais, à l’indifférence des hommes qui passaient et repassaient près d’Ali, à l’attention discrète dont les femmes honoraient ce beau jeune rêveur, il était évident que son déguisement n’était nullement soupçonné.

Il était difficile qu’il pût l’être, grâce à l’aisance avec laquelle Aline portait son costume. On était en droit assurément d’admirer l’élégance de la taille de ce jeune homme, la grâce accomplie de ses mouvements, la beauté tout idéale que donnait à ses traits une rare expression de pureté ; mais tout cela, comme à Florence, passait aisément pour distinction native et aristocratique, et la simplicité de la pose et des manières ne laissait place à aucun soupçon.

En pareil cas, en effet, c’est l’embarras surtout du déguisement qui le trahit. Aline, dès l’abord, avait rejeté cet embarras par une forte résolution, et l’habitude avait achevé de le détruire. Cependant, lorsqu’elle rencontrait les regards de Paul, avant qu’il se fût hâté de les détourner, des nuances roses passaient sur son visage, à demi caché sous l’ombre d’un feutre à larges bords ; elle se reprenait à marcher à petits pas dans la longueur du bateau, et retombait en soupirant dans sa rêverie.

À mesure qu’ils gagnaient le milieu du lac se dressaient derrière eux les cimes bien connues du Moeveran et des Diablerets, entre lesquelles, au défaut de leur vue, leur pensée marquait la place d’Argentine. C’était là-haut que gisait, effacé, enfoui dans les vapeurs bleues, ce pli de terre, si vaste en