Page:Leo - L Institutrice.djvu/106

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peler Mme Urchin. Et puis, c’est une habitude de cœur que j’ai gardée…… Elle m’a fait bien du mal…… Oui, j’ai eu bien de la peine à me consoler de sa trahison… Je vous dis cela à vous, parce que… il est impossible que vous ne vous soyez pas aperçue… On a un peu jasé dans le pays : pour moi, je vous jure que je n’ai pas eu à me reprocher un seul mot… Et pourtant, elle eût mérité… Mais je l’aimais, moi, et je me suis efforcé vainement pendant longtemps de la détester. À présent, cela m’est indifférent, quoique je ne sois pas fâché de savoir de ses nouvelles. Et comment vit-elle avec Urchin ? Il n’est pas patient, ni aimable. Mais elle est capable de lui faire voir la lune en plein midi, car c’est une fine mouche et une grande coquette.

Il avait parlé ainsi avec un peu d’embarras, les yeux fixés sur le sol. Ne recevant pas de réponse, il regarda son interlocutrice et s’écria :

— Qu’avez-vous, bon Dieu ! mademoiselle Sidonie, vous êtes toute changée ?…

Elle eut la force de sourire.

— Vous m’apprenez tout cela, dit-elle ; j’ignorais… Non, je ne croyais pas que Léontine…

— Vraiment ? Comment se fait-il ? vous qui étiez toujours avec nous ? Alors je n’aurais pas dû vous en parler. Quoi, cela vous fait tant de peine ?… Vous l’aimez donc toujours bien ? Je vous jure que je n’ai jamais parlé de ceci qu’à vous, mais il y a eu, je le sais, des clabaudages. On l’a vue se rendre le soir à notre lavoir, où nous avions nos rendez-vous. Une fois, vous rappelez-vous, quand je l’attendais, vous êtes venue