Page:Leo - L Institutrice.djvu/17

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disposés sur le front en bandeaux et nattés derrière.

Telle était, en supprimant le chapeau de velours noir à liserons bleus et le manteau de drap noir que Sidonie portait à l’église, la mise révolutionnaire de cette jeune fille, le même soir, au dîner de Mme Favrart. Il serait nécessaire de connaître à fond les idées exactes des habitants de Boisvalliers sur la mise d’une institutrice, pour décider en quoi le mérinos bleu était plus coupable que le noir, et justifier la réprobation qu’excitèrent ce nœud, cette ceinture et ces volants ; mais en regardant Sidonie, un observateur impartial aurait compris que son plus grand crime était de donner à cette toilette un caractère de bon goût, de grâce et de distinction qui contrastait, d’une manière véritablement choquante, avec l’humble condition de maîtresse d’école. Si l’accusation de coquetterie et de luxe extravagant, qui s’édita ce jour-là dans tout Boisvalliers, et parvint en peu de jours dans tous les villages et hameaux environnants, eût été communiquée à l’accusée, elle eut répondu qu’elle portait, économie nécessaire, ce qu’elle avait : ses robes d’autrefois, d’avant son deuil, rajeunies et mises à la mode par elle-même, en quelques coups de ciseaux et d’aiguille. Mais la critique n’eût point été désarmée par une telle raison, si bonne qu’elle fût. Car il y avait autre chose. Pourquoi ces robes allaient-elles si bien ? N’était-ce pas de la coquetterie que d’avoir une taille si charmante et l’audace de la porter ?

— Le premier devoir d’une fille pauvre est de ne pas se faire remarquer, disait Mme Urchin, assise dans la bergère, au