Page:Leo - Manifeste - Du droit des femmes.djvu/2

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Si elle est un individu, — et nous supposons que ses plus bizarres adversaires ne le nieront point, — comment se fait-il qu’elle soit exceptée des conditions reconnues indispensables à la dignité et à la moralité de l’être humain ?

Comment le droit de se posséder soi-même, d’agir en son propre nom, de se développer selon sa force et d’après ses facultés, comment ce droit, qui est la condition même de l’individualité, lui est-il refusé ?

Pourquoi l’obéissance, abdication de la conscience et de la raison, première des immoralités, puisqu’elle peut les entrainer toutes, lui est-elle imposée comme un devoir ?

Pourquoi participant aux charges sociales, dans la mesure commune, est-elle privée de la plupart des avantages sociaux ?

Pourquoi l’oblige-t-on de se conformer à des lois qu’elle n’a ni faites, ni consenties ?

Pourquoi est-elle exclue du droit, reconnu à tous, de choisir ses mandataires ?

La femme, exclue des écoles scientifiques et normales, est réduite généralement à ne recevoir et à ne professer que l’enseignement élémentaire. Cette exclusion a pour conséquence d’en faire l’instrument d’une éducation funeste, dirigée par les ennemis de la science et du progrès.

La femme subit cette iniquité monstrueuse de voir ses droits de mère anéantis devant le pouvoir du père.

Le droit de propriété de l’épouse est sacrifié à celui du mari.

Le travail de la femme, à valeur égale, est rétribué moitié de celui de l’homme, et souvent même, ce travail au rabais lui étant refusé, il ne lui reste d’autre ressource que le suicide ou la prostitution.

Tenue enfin de toutes parts dans l’incapacité, dans une dépendance immorale, malsaine, injuste, vouée : riche aux corruptions de l’oisiveté, pauvre à celles de la misère, la femme, abaissée et malheureuse, se venge des torts de la société, en étant l’enrayeur le plus tenace du progrès et l’agent le plus actif, bien que le moins responsable, de l’abaissement des mœurs.